Pour en savoir plus BDC n°8

Pouvons-nous nous passer du nucléaire pour produire de l’électricité ?

Nous nous en sommes passés en France avant les années 1970, l’Allemagne a arrêté les siennes, alors oui on peut se passer du nucléaire pour produire de l’électricité, mais les réponses évidentes sont-elles toujours les bonnes réponses aux bonnes questions ? Il est évident que le soleil tourne autour de la Terre et pourtant « elle tourne » disait Galilée et bien d’autres avant lui.

Alors quelle est la bonne question ?  D’abord entre 1970 et 2024 la population mondiale est passée de  3,7 milliards d’habitants en1970, 5,3 milliards en 1990 et à plus de 8 milliards en 2024, plus du double depuis 1970. En France 51 millions d’habitants en 1970, 58 millions en 1990 et plus de 68 millions en 2024, un tiers de plus qu’en 1970.

 

En 2019 l’empreinte carbone mondiale est de 38 milliards de tonnes de CO2 contre 15,8 milliards en 1970, une multiplication par 2,4 supérieure à la croissance de la population. Après ces quelques chiffres pouvons-nous raisonner comme dans les années 1970, quand les énergies fossiles, charbon et pétrole fournissaient l’essentiel des besoins en énergie de l’humanité et en particulier la production d’électricité ? Cela est impossible avec le changement climatique maintenant reconnu scientifiquement comme causé principalement par les activités humaines, après avoir été nié par des mouvements climato-sceptiques dans les années 1990-2000.

Nous n’avons donc plus que le choix de trouver des solutions pour diminuer l’empreinte carbone de l’humanité, en particulier pour la production d’électricité. L’électricité pour être utile doit répondre à certains critères : disponibilité en qualité et quantités suffisantes au moment des besoins. Les sources doivent donc être pilotables pour s’adapter en temps réel à la demande : les centrales thermiques, fuel, charbon et gaz le sont, le nucléaire aussi. L’hydraulique permet de passer les pointes de demande mais n’est pas en quantité importante. L’éolien et le solaire sont des sources intermittentes.

Une différence fondamentale est cependant que le nucléaire émet très peu de CO2 (4 g par kWh d’électricité produite en France) alors que les solutions fossiles en émettent considérablement plus : 986 g pour le charbon, 777 g pour le fioul et 429 g pour le gaz selon le site eco2mix de RTE.

Depuis la mise en route des premières centrales nucléaires en France, celles-ci ont produit plus de 14 mille milliards de KWH. Si cette production avait dû être effectuée par des centrales thermiques, avec une estimation moyenne de 750 g de CO2 de plus que le nucléaire par kWH  d’électricité produite.

 

Ce mix aurait émis environ 10 700 millions de tonnes de CO2 de plus que ce qu’a produit le nucléaire pour produire les 14 000 milliards de kWh d’électricité. Cette quantité gigantesque représente 26,5 fois le total des émissions de la France en 2022 !

 

L’efficacité de l’énergie nucléaire à réduire les émissions de gaz à effet de serre est démontrée

L’énergie nucléaire est industriellement disponible et déployable à grande échelle, avec 455 réacteurs en opération aujourd’hui dans 30 pays différents. Sa production était en légère augmentation en 2017 et représentait 10,3 % de la production mondiale d’électricité. Depuis 1970, elle a permis d’éviter le rejet de plus de 60 Gt de CO2 dans le monde, soit l’équivalent de cinq années d’émission de CO2 du secteur électrique. Ceci en fait la deuxième énergie bas-carbone contributrice derrière l’hydroélectricité. À l’exception de la Norvège, les pays européens qui ont réduit rapidement leurs émissions dans le secteur électrique (Suède, Suisse, France), combinent énergie nucléaire et hydroélectricité. Grâce à l’énergie nucléaire, la France est le pays le plus décarboné (en émissions par habitant) des sept plus grands pays industrialisés (G7). Enfin, l’analyse du programme nucléaire suédois à partir de 1972 démontre la capacité du nucléaire à décarboner rapidement le système électrique : les émissions par habitant ont baissé de 75 % en moins de vingt ans.

 

A contrario, les mises à l’arrêt de centrales nucléaires ont abouti à une stagnation, voire une augmentation, des émissions de gaz à effet de serre

États-Unis, Europe, Japon : plusieurs pays ont vu des fermetures de centrales ces dernières années. Malgré d’importantes ressources financières et l’accès à la meilleure technologie, les politiques menées se révèlent inefficaces, voire contre-productives au plan climatique. En Californie, dans le Vermont, dans le New Jersey, on voit, avec des fermetures prématurées de centrales, que c’est le gaz de schiste, fortement émetteur de gaz à effet de serre, mais pilotable, qui se substitue à l’énergie nucléaire bas carbone. En Allemagne, malgré des investissements massifs (25 milliards d’euros par an), la part du charbon, l’énergie la plus polluante, est restée stable : le pays n’atteindra pas ses objectifs climatiques ; et ce pays déclare maintenant vouloir construire une centrale avec un réacteur à fusion d’ici 2040 !

 Le Japon, avec le trop lent redémarrage des réacteurs nucléaires, reste le premier acheteur mondial de gaz liquéfié : ses électriciens montrent même un nouvel intérêt pour le charbon.

 

Tous ces constats montrent que depuis maintenant plus de 30 ans des décisions ont été prises a contrario de ce qu’il aurait fallu faire, et surtout entendre ce que disaient scientifiques et ingénieurs.

 

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