Lire ci-dessous la contribution de Richard Benarous, ancien Directeur du Département maladies infectieuses de l'Institut Cochin
1 à 2 million de personnes infectées en France?
Seulement 100.000 détectées: des tests de toute urgence!
Il y a consensus chez les épidémiologistes sur le fait que pour envisager la fin du confinement il faut être en mesure de détecter les individus infectés et parmi eux isoler ceux qui pourraient être contagieux, isoler les individus contaminés et leur entourage. Ceci ne peut se faire qu’en multipliant considérablement les tests et en combinant les tests PCR disponibles depuis le début de la pandémie, qui permettent de détecter précocément les contaminations, avec les tests sérologiques qui ne sont pas encore disponibles industriellement mais qui vont l’être bientôt; ces tests sérologiques permettant d’identifier tous les individus infectés ayant produit des anticorps et potentiellement immunisés.
Le gouvernement, les autorités sanitaires, n’ont pas fait le nécessaire , c’est le moins qu’on puisse dire, pour être en situation de généraliser ces tests dès l’explosion de l’épidémie en France. Le gouvernement a laissé s’installer la pénurie de tests diagnostiques et n’a pris aucune mesure sérieuse pour la surmonter.
Au 24 mars, la France avait réalisé à peine plus de 100.000 tests en tout contre 500 000 tests par semaine en Allemagne, la Corée du Sud, en ayant réalisé près de 400 000. En rapportant le nombre de tests à la taille de la population, la France a réalisé pour cinq fois moins de tests que l'Allemagne ou la Corée du Sud. Ils promettent aujourd’hui de faire ces tests à grande échelle pour la sortie du confinement mais malheureusement le gouvernement n’a préparé aucune des conditions nécessaires pour cette montée en échelle.
En effet, selon tous les épidémiologistes, la léthalité du coronavirus SARS-Cov-2 responsable du Covid-19 est estimée aux alentours de 1%. Ceci signifie que pour estimer le nombre de gens infectés, il faut multiplier le nombre de décès par 100. Aujourd’hui 6 Avril, ce nombre total de décès à l’hôpital et en EPADH, est de 8.911. Ceci signifie qu’au moins 900.000 à 1 million de personnes ont été à ce jour infectées par le coronavirus en France. Les épidémiologistes de l’Imperial College of Medicine à Londres estiment eux que ce nombre de personnes infectées serait plutôt en France de 2 million, estimation corroborée semble-t-il par d’autres études non encore publiées. Or le nombre total de personnes infectées détectées en France est seulement d’environ 100.000. Par conséquent, entre 900.000 à 1million 900.000 personnes infectées n’ont pas été détectées. Evidemment ceci est passé sous silence par le Ministre et le Directeur général de la santé dans leur point journalier.
Circonstance aggravante, l’augmentation des décès par jour, 833 le 6 Avril, doit correspondre à une augmentation journalière des cas de personnes infectées cent fois plus importante, à savoir de 83.000 personnes. Donc le nombre total de personnes infectées détectées par test positif en France est à peine plus important que le nombre journalier de nouvelles infections.
Ces 83.000 personnes n’ont pas été infectées le 6 Avril mais il y a 2 à 3 semaines, la période moyenne qui sépare la contamination du décès dans ces cas gravissimes. En regard de ces 83.000 personnes le nombre de cas de Covid-19 détecté le 6 Avril a cru de 5.171, à savoir à peine 6% des cas infectés.
En moyenne, on peut hélas estimer qu’aujourd’hui en France compte tenu de la pénurie de tests PCR, on est capable de détecter quotidiennement moins d’une personne infectée sur dix. Ceci est très grave car les personnes infectées récemment sont celles qui sont le plus contagieuses. Si l’on n’en détecte qu’une sur dix, on ne prend vraiment pas le chemin qui puisse mener à une meilleure maîtrise de l’épidémie et à une fin du confinement.
Il est grand temps d’exiger du gouvernement que des mesures correspondant à la gravité de la situation soient prises pour réaliser à grande échelle le nombre de tests PCR nécessaires, et quand ils seront disponibles, les tests sérologiques. Il faut exiger la totale transparence sur ce problème des tests : sur le nombre de tests et de réactifs disponibles aujourd’hui, sur le nombre de tests qui pourront être effectués par semaine. Qu’attend le gouvernement pour demander aux industries pharmaceutiques françaises, Sanofi, Servier, Fabre etc.. de distraire une petite partie de leurs moyens pour mettre sur pied en urgence, avec certaines compagnies biotech, la structure industrielle capable de produire sur la durée les réactifs nécessaires, pour faire en sorte que les laboratoires d’analyse médicale de ville puissent aussi effectuer ces tests. Des semaines précieuses ont hélas été perdues. Tout absolument tout doit être mis en œuvre au niveau national pour surmonter cette pénurie. Et que dire de la défaillance de l’Europe à ce sujet : si la santé est une prérogative des états, il y a un commissaire au marché intérieur dont relève le secteur du diagnostic, il s’appelle Thierry Breton !
Paris le 6 Avril 2020
Dr. Richard Benarous
Ex Directeur du Département Maladies infectieuses à l’Institut Cochin
Ex Directeur scientifique d’entreprise de Biotechnologie
Be the first to comment
Sign in with