Crèches confessionnelles à Paris, stop aux entorses à la laïcité

Une tribune de Jean-Noël Aqua, conseiller de Paris du groupe Communiste et Citoyen.

L'Humanité, 8 décembre 2020

Suite à l’attentat contre Samuel Paty, la laïcité a été sur le devant de la scène. Passée l’émotion, les actes ne suivent pas aussi vite que les discours. Le contour de la laïcité pour les associations subventionnées est sujet à débat au niveau législatif. Si le sujet mérite précision, la cause est entendue pour les associations à qui est déléguée une mission de service public.
Laïcité oblige

C’est le cas à Paris pour les crèches confessionnelles subventionnées par la Ville. Héritées d’un passé lointain, ces crèches visent pour certaines à « promouvoir une vision de la famille éclairée par l’enseignement de l’Église », en « s’inspir(ant) de l’enseignement social de l’Église catholique ». Pour d’autres, « les valeurs morales universelles de la Torah guident (leurs) pratiques au quotidien ». Rappelons que du fait de la délégation de service public, ces établissements sont censés fournir un service qui n’a pas de caractère confessionnel.

Paris est pourtant une ville exemplaire sur plusieurs sujets en matière de laïcité. Seule ville à s’être dotée d’un observatoire local de la laïcité, elle fournit un travail important au niveau des services du personnel pour la faire appliquer par les dizaines de milliers d’agents territoriaux. Et pourtant.

Et pourtant, la ville continue à subventionner de telles crèches. L’observatoire parisien de la laïcité avait pointé du doigt le paradoxe dans son rapport sur le sujet. Mais sans effet.

Les crèches se sont finalement engagées à ouvrir tous les jours. Mais on constate dans certaines crèches qu’aucun enfant (sur typiquement 60) n’est présent le vendredi après-midi. Preuve que, de facto, des distinctions d’origine religieuse sont à l’œuvre.

Nous respectons que de telles crèches puissent mener à bien leur mission. Laïcité oblige. Mais pas avec des subventions publiques. Laïcité oblige aussi.

De petits compromis en grandes entorses

Le groupe communiste est le seul groupe à s’être constamment opposé aux financements de ces crèches par la Ville. Mais nous savons que le malaise est profond au sein de la majorité sur le sujet. Alors nous le disons aujourd’hui : il est temps de cesser ces entorses à la laïcité. Pour reprendre les mots Jaurès lors du débat sur la loi de 1905, « nous ne faisons pas une œuvre de sournoiserie, nous faisons une œuvre de sincérité ».

Lors des débats précédents, nous avons essuyé la critique de la part de l’exécutif d’une opposition principielle. Cela tombe bien, nous voulons précisément parler du principe de laïcité. On ne négocie pas à 50 % ou à 80 % ses principes. La laïcité est un principe fondateur. Elle assure la liberté de conscience. La neutralité de l’action publique en découle.

Nous comprenons que des habitudes aient été prises. Que petit à petit, on veuille se convaincre que l’on avait raison. Mais de petites habitudes en petits arrangements, de petits arrangements en petits compromis, de petits compromis en grandes entorses aux principes, on franchit la ligne.

L’important désormais est la trajectoire pour l’avenir. Au prochain conseil de Paris, la Ville propose une nouvelle délibération visant à prolonger le contrat d’association avec ces crèches confessionnelles.

Nous demandons instamment à l’exécutif de revoir sa copie. Il est encore temps. Paris vaut bien, non pas une messe, mais des principes.

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