En France, la pénurie de médicaments est évitable si l'on prend des décisions politiques fortes

Lire ci après la contribution de Richard Benarous, ancien Directeur du département Maladies Infectieuses de l'Institut Cochin

Confinés oui, anesthésiés non !

La crise sanitaire colossale à laquelle nous sommes confrontés avec la pandémie Covid-19 nous contraint au confinement et aux gestes barrières entre individus. Il convient bien entendu de respecter scrupuleusement ces mesures, mais confinés ne signifie pas qu’il faille être sourd et aveugle et simplement attendre que le président de la république et le gouvernement terrassent le virus. Ce président, ce gouvernement, cette majorité de députés godillots qui les suivent aveuglément, nous donnent chaque jour tellement de preuves de leur incompétence, de l’incurie et de la nocivité de leur politique que pour sauver des vies, nous devons intervenir tous ensemble, solidaires, aujourd’hui, pas demain. Il ne s’agit pas de polémiquer, de revendiquer, de manifester, mais il s’agit d’exiger que les mesures efficaces soient urgemment mises en œuvre pour juguler cette épidémie et sauver des milliers de vies.

A une pénurie de masques, de moyens de protection pour tous ceux qui sont à leur poste de travail au service de tous, s’ajoute maintenant une pénurie dramatique de médicaments nécessaires au traitement des malades hospitalisés et même en réanimation. L’hôpital qui a été cassé par les plans d’économies de centaines de millions d’euros chaque année, imposés par les gouvernements successifs depuis une vingtaine d’années (800 millions encore en 2018), se serait effondré sans le dévouement admirable des équipes soignantes au péril de leur santé et de leur vie. Tout, absolument tout doit être mis en œuvre pour surmonter en urgence les pénuries actuelles.

Certes il est indispensable « quoi qu’il en coûte » de commander et de compter sur les livraisons de Chine ou d’autres pays pour les masques les tests les médicaments, les respirateurs. Mais ce n’est pas suffisant. On vous enfume pour vous anesthésier, comme font les apiculteurs avec les abeilles, en parlant de levée du confinement aujourd’hui, de crise transitoire etc.. A cause des propriétés propres à ce virus très pathogène, très agressif, mais aussi malheureusement à cause de l’impréparation totale et l’imprévoyance des autorités qui nous gouvernent, cette crise est partie pour durer selon les épidémiologistes entre un minimum de six mois, voire un an. Si on veut éviter un rebond dramatique de l’épidémie. Il ne s’agit pas d’affoler les populations avec de sombres perspectives. Il s’agit de voir la vérité en face pour pouvoir faire face. Et nous pouvons faire face !

Il s’agit donc non pas de fournir les équipements et les produits manquants pour quelques jours ou quelques semaines pour « passer le pic de l’épidémie » et pouvoir souffler ensuite. Il nous faut disposer pour une longue période de dizaines de millions de masques par semaines, d’être en capacité de faire par centaines de milliers ou millions, des tests diagnostiques RT-PCR disponibles dès le début grâce aux chercheurs chinois, et des tests sérologiques qui arrivent. Il faut donc construire en urgence en France, et si possible en Europe, les instruments industriels qui permettront de faire face à cette demande considérable. Plus nous tarderons dans ce domaine, plus l’épidémie sera longue et difficile à juguler, plus le nombre de morts sera élevé, plus longtemps le pays restera dans la situation que l’on connait actuellement.

Mais est-ce simplement possible ? La réponse est oui, absolument, à condition de s’y mettre résolument et avec audace. Les instruments de protection, masques, surblouses etc.. sont on ne peut plus simples à fabriquer. Le gouvernement a commencé à réaliser que les quelques industriels du textile existants encore en France pouvaient se réorienter vers cette production. Il faut passer dans ce domaine à plusieurs dimensions au-delà de ce qui se fait actuellement.

Est-ce possible pour les tests ? Bien sûr. La technologie PCR est devenue une routine depuis de nombreuses années. On doit remercier les chercheurs chinois, d’une part d’avoir très rapidement en 3 semaines, séquencé le virus responsable du Covid-19, avoir mis en accès libre ces données sans prendre de brevet. Donc, aucun problème de propriété intellectuelle ne se pose pour la réalisation de ces tests pour lesquels on a essentiellement besoin de 2 réactifs indispensables : les amorces de petits oligonucléotides dérivés de la séquence du virus, et l’enzyme reverse transcriptase pour amplifier les fragments de virus bordés par ces amorces. Cette technique est tellement puissante que des « fifrelins » de ces réactifs sont nécessaires, et donc il est très facile d’en produire industriellement pour des millions et des millions de tests. Qu’attend-on pour demander aux industries pharmaceutiques françaises, Sanofi, Servier, Fabre etc.. de distraire une infime partie de leurs moyens, oui infime sera suffisant, pour mettre sur pied en urgence, avec certaines compagnies biotech, la structure industrielle capable de produire sur la durée ces réactifs nécessaires.

Que font-elles ces industries pharmaceutiques aujourd’hui ? Il ne suffit pas de dire on fait de la recherche, pour celles sans doute très minoritaires qui en font vraiment sur la recherche de traitement et de vaccin contre le coronavirus. Il est indispensable que ces industries aujourd’hui prennent leur part de l’effort national pour surmonter les pénuries actuelles. Les industries pharmaceutiques françaises ont regardé passer le train des anti-sida, des anti-Hépatite C sans rien faire. Il ne faudrait pas que ça continue avec le coronavirus.

C’est possible aussi d’équiper les laboratoires publiques et privés des machines PCR nécessaires. On peut, par exemple au niveau européen, mais il n’est pas nécessaire , d’équiper tous ces laboratoires d’automates de grande capacité. Plus on en aura mieux ce sera, mais ce dont se sont plains, les laboratoires hospitaliers de virologie, et aussi les laboratoires de ville, c’est surtout de la pénurie de réactifs. Il existe en France plus de 4000 laboratoires de ville qui en s’équipant, soit à plusieurs, soit individuellement de machines PCR assez simples, peuvent considérablement soutenir l’effort des laboratoires hospitaliers pour répondre aux besoins.

Est-ce possible pour les médicaments de réanimation ? Oui bien sûr. Il s’agit de médicaments de base que l’on connait très bien depuis des années. Là encore c’est d’un effort important et immédiat de relocalisation de la production de ces médicaments dont on a besoin. Les industries pharmaceutiques françaises ont des lignes de production qui peuvent et doivent être réorientées vers la production de ces médicaments, dans un effort coordonné entre elles. Ces entreprises peuvent et savent le faire sans porter atteinte aux médicaments essentiels qu’elles produisent contre les autres pathologies.

Ce qui est malheureusement la situation actuelle, c’est que, en France et aussi ailleurs dans le monde les grands majors de l’industrie pharmaceutique ont ces dernières années déserté le champ des maladies infectieuses pour se ruer tous, dans un mouvement un peu « moutonnier », vers les médicaments anti-cancéreux et autres thérapies géniques vendus à prix d’or pour maximiser leurs milliards de profits sur le dos des organismes de sécurité sociale… quand ils existent. Il ne s’agit pas de limiter les recherches sur les anticancéreux ou la thérapie génique, mais de déplorer simplement que ces grandes industries pharmaceutiques quand elles changent d’orientation le font plus pour des raisons de recherche de profit maximum et délaissent les pathologies infectieuses dont on sait depuis toujours, depuis la grippe espagnole il y a un siècle, depuis l’émergence du Sida depuis près de 40 ans etc.. qu’elles peuvent devenir de grands fléaux pour l’humanité toute entière. On peut et on doit tenir tous les bouts de la chaine des thérapies.

Toutes ces mesures on peut, on doit les mettre en œuvre aujourd’hui, le gouvernement peut agir en ce sens, c’est une question de volonté et d’orientation politique. On peut l’y contraindre.

Et pour demain, pour après, il faudra tirer les leçons de ce que nous vivons aujourd’hui, bien identifier les responsabilités du système actuel et de ses promoteurs. C’est de changements profonds dans tous les domaines dont nous auront besoin, c’est d’abandonner complètement le logiciel de l’ultra-néolibéralisme, et de mettre « l’humain et l’écologie d’abord » au centre, c’est dans le domaine de la santé de donner à l’hôpital public et aux soignants en général tous les moyens d’accomplir correctement leur mission, de construire un grand pôle public du médicament, de développer tous les services publiques dont on voit dans la période tragique que nous traversons combien avec leurs personnels ils sont indispensables et précieux, c’est de prendre soin de nos ainés et de ne pas les abandonner sans soin adéquat comme aujourd’hui avec le drame que vivent personnels et pensionnaires des EHPAD.

Mais aujourd’hui tout confinés que nous soyons, nous devons nous pouvons agir faire connaître nos exigences, remplir encore une fois nos cahiers de doléances et d’imposer leur respect.

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