Interview de Francis Würtz, ancien député européen communiste, dans le journal "L'Humanité"
Quelle voix la France devrait-elle porter devant la situation en Israël et en Palestine ?
Tout d’abord, devant ce carnage effroyable commis par le Hamas contre la population civile israélienne, je veux rappeler que rien ne peut justifier une telle attaque. Il faut la condamner très clairement, et sans ambiguïté. En toutes circonstances, attaquer aveuglément une population civile est inacceptable.
Cette condamnation ne doit pas non plus nous conduire à justifier la politique de Netanyahou et de son gouvernement d’extrême droite, le plus radical de toute l’histoire d’Israël. C’est cette politique qui alimente l’exaspération de la population de Gaza. Tout le monde l’a reconnu, c’est une prison à ciel ouvert. Expliquer n’est pas justifier.
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La source de ces violences inacceptables c’est l’occupation, dans la mesure où tout ce qui se passe à Gaza est contrôlé par Israël. Le gouvernement français doit condamner cette attaque, évidemment. Et en finir aussi avec le deux poids, deux mesures. On ne peut pas parler en toutes circonstances de l’État de droit et fermer les yeux sur les violations permanentes du droit international et des résolutions de l’ONU par le gouvernement israélien.
Officiellement, la politique du gouvernement français prône deux États vivant côte à côte en sécurité. Quand on est un pays membre du Conseil de sécurité, il faut aller au-delà des mots. Depuis 1967, les résolutions de l’ONU sont sans équivoque. Il faut à la fois être très clair dans la condamnation de ce massacre et ne pas passer sur la lourde responsabilité du gouvernement Netanyahou dans le renforcement d’une politique d’oppression du peuple palestinien.
L’ONU peut-elle vraiment jouer un rôle ?
L’ONU fait ce que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité acceptent qu’elle fasse. Les Nations unies ont voté en Assemblée générale et au Conseil de sécurité des résolutions très justes concernant la politique d’Israël en Palestine. Sauf que les États-Unis mettent leur veto. La France doit réagir.
Quand a-t-on vu le président français prendre des initiatives marquantes, permettant de remettre au premier plan des préoccupations diplomatiques la question du Proche-Orient ? Depuis 1967, il n’y a que des espoirs déçus, et dans la dernière période une aggravation. Il incombe aux membres du Conseil de sécurité de ne pas laisser la communauté internationale s’endormir face à une injustice récurrente.
Le refus de soutenir la réaction violente du gouvernement israélien peut valoir des accusations d’antisémitisme ou de proximité avec le Hamas. En France, comme à l’étranger. Que pensez-vous de cette évolution du débat ?
Dans une situation pareille, qui encourage forcément une réaction émotionnelle, il faut éviter coûte que coûte l’escalade. Elle ne conduit pas à une solution, mais au contraire à une aggravation, sur les plans humain et politique. C’est valable pour le débat aussi.
On peut défendre des idées contradictoires. Mais il faut mesurer ce qui se dit, surtout sur le terrain. La réplique d’Israël a démarré, elle est très arbitraire. Dire que l’on va évacuer la population de Gaza est une absurdité pour qui connaît la réalité de ce petit territoire de plus de 2 millions d’habitants. La répression engagée va toucher des innocents, qui sont déjà les victimes de la répression permanente et de l’isolement d’un territoire sans ressources et sans avenir.
Existe-t-il un risque de basculement pour l’avenir même du peuple palestinien ? Qu’en est-il de la place de l’Autorité palestinienne ?
Le risque est grand. Raison de plus pour fustiger toute escalade dans l’étape immédiate. L’Autorité palestinienne a malheureusement été vidée de toute efficacité, de toute représentativité. Il n’y a plus d’élection depuis une éternité.
L’occupant lui a retiré toute crédibilité auprès de la population palestinienne puisqu’elle n’a pas du tout les moyens de changer la situation. La construction d’une perspective suppose que l’on redonne aux Palestiniens la possibilité réelle d’avoir des représentants élus, qui puissent être reconnus comme interlocuteurs de l’État d’Israël.