Il y a 76 ans, le 25 Août 1944


Monsieur le Président du Comité d’Entente des Associations d’Anciens Combattants et de Victimes de Guerre,

Mesdames et Messieurs les Présidents d’Association,

Mesdames et Messieurs les élu-e-s,

Mesdames et Messieurs,

Voici 76 ans aujourd’hui, le nouveau gouverneur militaire de la garnison du « Grand Paris » - le général allemand Dietrich Von Choltitz – signait le 25 août 1944 la capitulation des troupes d’occupation allemandes. Quelques jours auparavant, les habitants et les habitantes de Paris s’étaient soulevés. N’oublions pas que l’objectif numéro 1 du Conseil National de la Résistance créé à l’initiative de Jean Moulin est de « délivrer la patrie » de « l’oppresseur hitlérien » et « des hommes de Vichy ». 

Revenons sur la bataille de Paris qui s’est préparée dans notre arrondissement.

Le 13 août 1944, une réunion clandestine s’est tenue rue Vulpian pour décider de « la grève de la police prélude de l’insurrection de Paris ». Le monde du travail – celui du rail et du métro – est déjà en grève. Le 17 août 1944, l’état-major des Francs-Tireurs et Partisans Français lance dans son ordre du jour l’appel à la lutte – je cite la plaque commémorative de l’avenue d’Italie - : « Voici venue l’heure de la bataille décisive. Attaquez les forces de l’ennemi. Mettez en pièce l’appareil administratif des traitres et des nazis ».

Le 18 août 1944, l’ancien responsable des Jeunesses Communistes du 13e arrondissement – connu pendant la Seconde Guerre mondiale sous le nom de Colonel Fabien – dirige, depuis son poste de commandement de la rue Gandon, l’insurrection au sud de la capitale pour chasser « les hitlériens et les traitres ». Tout au long du soulèvement parisien, des hommes, des femmes, des enfants se sont organisés pour construire des barricades. On en comptera une soixantaine dans le 13e arrondissement. Des affrontements violents s’y sont déroulés.

Le 20 août 1944, une dénommée Madame Maurin est « assassinée par les nazis » 4 rue du Moulinet. Prochainement, nous travaillerons à essayer d’établir l’identité complète de cette femme. Trop souvent encore, on se contente de quelques lignes pour évoquer le rôle de femmes dans l’Histoire. Le même jour, le gardien de la paix Joseph Suire tombe « glorieusement » à la hauteur du 38-40 de l’avenue des Gobelins, quand l’inspecteur André Chasseraud est tué à la hauteur du 134 bis rue de Tolbiac.

D’autres encore disparaitront, à l’image de l’instituteur de l’école de garçons de la rue Damesme, Jean Ferrandi, mortellement blessé le 25 août 1944. Il décèdera le lendemain à l’Hôtel-Dieu, probablement dans l’ignorance de la présence du général de Gaulle sur les Champs-Elysées. Comme en écho à cette mobilisation populaire, d’autres volontaires – des vétérans de la guerre d’Espagne – dirigés par le capitaine Raymond Dronne entrent par la Porte d’Italie. Ces Espagnols – antifascistes de la première heure – remontent l’avenue d’Italie, empruntent la rue de la Vistule, la rue Baudricourt, la rue Nationale, la rue Esquirol, puis descendent le boulevard de l’Hôpital avant de franchir la Seine et de se positionner devant l’Hôtel de Ville.

Une fresque, inaugurée l’année dernière rue Esquirol par Jérôme Coumet, leur rend hommage, tout comme le jardin de l’Hôtel de Ville devenu sous l’impulsion d’Anne Hidalgo « le jardin des combattants de la Nueve ». On se plait à imaginer la joie d’un autre Espagnol - Celestino Alfonso - d’accueillir ces soldats, étrangers comme lui. Mais Celestino Alfonso a été arrêté par la police française, quelques mois auparavant, non loin de son domicile, 16 rue de Tolbiac. Il est fusillé le 21 février 1944 au fort du Mont-Valérien avec les autres membres du groupe Manouchian. « Etrangers et nos frères pourtant » pour reprendre les mots d’Aragon.

D’autres habitants de notre arrondissement ont été arrêtés, torturés, tués ou exterminés au cours de la Seconde Guerre mondiale. Voilà ce qu’est l’Occupation à laquelle la Libération met un terme. Dès le mois de juillet 1941, des trains partent de la gare d’Austerlitz vers les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande. Un camp de travail forcé sera installé à la hauteur de l’actuel 43 quai Panhard et Levassor deux ans plus tard. Le 16 juillet 1942, des femmes et des enfants – des Juifs du 13e arrondissement – sont arrêtés par la police française dans la cadre de la rafle du Vel d’Hiv. Ils sont conduits au 68 bis, avenue des Gobelins avant d’être déportés en Pologne puis exterminés à Auschwitz-Birkenau en Pologne. Par ailleurs, une centaine d’enfants des écoles sont « victimes de la barbarie nazie avec la participation active du gouvernement de Vichy » : « déportés de 1942 à 1944 parce que nés Juifs ». Refermons ici la parenthèse des années noires.

Prenez le temps de lire les noms sur les plaques commémoratives et les mots gravés dans la pierre. Il y a derrière des actes de courage, des destins tragiques et des vies sacrifiées qui méritent qu’on s’arrête – ne serait-ce qu’un instant. La disparition progressive des derniers témoins nous oblige à préserver cette mémoire qui représente un enjeu et un défi important pour les générations futures. Permettez-moi d’avoir ici une pensée particulière pour le dernier survivant de la Nueve, Rafael Gomez Nieto, emporté par le COVID-19 le 30 mars dernier. La conduite héroïque des « soldats de la liberté » nous rappelle que les valeurs républicaines - Liberté, Egalité, Fraternité - auxquelles nous sommes viscéralement attachés, doivent être constamment défendues. Ce qui vient de se produire à Oradour-sur-Glane nous montre que « le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde ». Oui, il nous faut être vigilants, unis et fermes face à toutes celles et tous ceux qui prônent aujourd’hui encore la division et la haine. Puisse l’hommage que nous rendons aujourd’hui à ces hommes et ces femmes qui ont participé à la Libération de Paris contribuer à construire « les jours heureux » imaginés par le Conseil national de la Résistance.

Vive la République, vive la France !

Alexandre Courban, conseiller du 13è arrondissement, délégué aux anciens combattants, à la mémoire et au patrimoine


connect